CONSTRUCTION DE LA PEUGEOT 402

CONSTRUCTION DE LA PEUGEOT 402
« RODSLED » (p. 1)



Photographiée ici au Rod Nats français 2006, la Peugeot 402 de Georges Herry stupéfie tous ceux qui s’en approchent. Posée par terre, basse, large mais longiligne, elle est stupéfiante à tout point de vue. D’une part, la base est d’une rare originalité dans notre pays. Les 402 sont rares dans le milieu de la voiture ancienne, et de toutes les Peugeot série 02, seules quelques 202 ont subi au cours des trois décennies passées des transformations les faisant réellement passer au statut de rod ou de custom. Mais de 402, jusqu’ici, point. Georges Herry, lui, a osé, poussé à la fois par son attirance pour les lignes des De Soto et Chrysler Airflow et par son goût des bases françaises. D’autre part, la liste des modifications est impressionnante : motorisation BMW, chassis d’origine rallongé et muni de suspensions à air, inversion du sens d’ouverture des quatre portes et diminution de la hauteur des vitres latérales (sans top-chop), voilà de quoi se mettre en appétit. Après cela, une foule de détails qui tuent vous assoit pour l’après-midi. Quant au style général de la voiture finie, il est particulier : est-ce un rod, est-ce un leadsled ? Conscient de l’ambivalence de sa création, Georges l’a tout simplement baptisée « Rodsled »
(photo Claude Lefebvre).



Après avoir cherché pendant trois ans ce qui est considéré comme l’Airflow française, Georges Herry déniche cette 402 fatiguée dans LVA. Achetée neuve en 1938 par un viticulteur de la région de Clermont-Ferrand, il s’agit d’une familiale à trois rangées de sièges. Après son utilisation « civile », la voiture a été affectée au hersage des vignobles entre les rangées de vignes…



La 402 est encore en suffisamment bon état pour travailler dessus, mais suffisamment fatiguée pour que Georges n’ait pas de scrupules à la modifier. D’autant qu’il revend aussitôt la mécanique complète, les trains, les roues Pilote, l’intérieur, le compteur et tous les éléments dont il ne veut pas à un collectionneur de sa région, ravi de pouvoir terminer une restauration compromise faute des bonnes pièces.



Georges attaque des travaux qui vont s’étaler sur trois ans : un an pour le chassis, deux ans pour la carrosserie, soit un total de 6 000 heures de travail. Il installe une mécanique complète extraite d’un coupé BMW 3.20 MIII de 1993 accidenté. Ici, le pont arrière BMW en cours d’installation. Sur la 402, à l’origine, le chassis s’arrête au niveau du pont, et les ressorts à lames longitudinaux sont fixés à l’avant sur le chassis et à l’arrière sur des renforts de la carrosserie, dont toute la partie arrière est en porte-à-faux par rapport au chassis. Georges rallonge le chassis vers l’arrière à l’aide d’une structure en tube carré, et positionne le pont en plaçant les roues dans les passages de roue. Bonne surprise : les tirants de pont de la BMW arrivent exactement au niveau des anciens ancrages avant des lames de suspension ! Voici le pont en place avec ses airbags.



Evidemment il faut modifier les ancrages, ce qui est ici fait, avec un boîtier de protection chapeautant les silentblocs.



Le pont arrière suspendu autobloquant de la BMW (avec ses freins à disques à trois pistons) est ici installé, de même que toute la ligne cinématique qui comprend le 6 cylindres 24 soupapes de 2 litres de la BMW et sa boîte automatique 5 vitesses. Le système électronique a bien été prélevé sur la BMW, mais pas le faisceau. Galères en vue… Heureusement, les élèves de BTS Maintenance automobile du Lycée Jules Verne, à Caen, réussissent à le refabriquer.



A l’avant pas de BMW, mais du Jaguar ! Ce train indépendant complet provient d’un coupé des années 80. Le train est centré dans les passages de roue, puis la traverse reçoit des airbags et quelques modifications permettant de la boulonner sur le chassis d’origine de la 402 très peu modifié. Des entretoises permettent de remonter la caisse par rapport au train avant.

6 000 heures de boulot, et pas un seul centimètre carré intact : avec sa 402 profondément modifiée, Georges Herry repousse un peu plus les limites du rodding français. Voici quelques étapes de la construction de cette voiture aussi impressionnante que spectaculaire.

CONSTRUCTION DE LA PEUGEOT 402
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Le chassis remis en état conserve les supports de caisse d’origine. Georges refait entièrement le plancher en tôle d’acier neuve, avec un tunnel spécialement adapté au contour de la boîte automatique. Imaginez les heures de calculs et de pliage qu’il a fallu pour faire ce tunnel.



Le plancher neuf a maintenant figure… humaine, et le brouillon du faisceau commence
à prendre place.





Sur les Peugeot série 02, la jupe arrière est un endroit souvent abîmé, car vulnérable au moindre choc. Georges a passé un nombre immense d’heures de travail à refabriquer celle de sa voiture et à en modifier le contour. Voyez l’état des morceaux de tôle d’origine, posés au sol, et la jupe refaite entièrement en tôle neuve.



Sur les vieilles voitures, il y a un grand nombre de nids à rouille. Tous les endroits où des joints de carrosserie devenus poreux ont retenu l’eau, par exemple. Ainsi Georges a-t-il dû refaire en tôle neuve tout l’entourage de la porte du coffre (le vieil entourage est ici posé dans les orifices de remplissage d’essence d’origine).



Georges en a profité pour inverser le sens d’ouverture du coffre. Celui-ci était à l’origine articulé en bas, et s’ouvrait en s’abaissant (on pouvait ainsi poser des bagages supplémentaires sur la porte du coffre ouverte maintenue à l’horizontale par deux chaînettes). Il s’ouvre maintenant plus classiquement du bas vers le haut. Le réservoir refabriqué à ses nouvelles cotes occupe son emplacement d’origine dans le coffre. Les orifices extérieurs de remplissage sont tous deux bouchés. Le plancher est refait à neuf, et des bossages dans les joues d’ailes arrière permettent le passage des amortisseurs de BMW.



L’inversion du sens d’ouverture des portes n’a pas été une sinécure. Mais c’est le genre de défi dans lequel Georges aime à se lancer. Le principe est simple : les portes avant
« suicide » s’ouvrent désormais dans le « bon » sens, les portes arrière s’ouvrant auparavant dans le bon sens s’ouvrent désormais « suicide ». Une seule charnière n’aurait pas suffi à soutenir la porte arrière. Georges a donc modifié le profil arrière vertical de la portière : désormais rectiligne, il permet de positionner deux charnières. On voit nettement ici l’ancien profil (sur la coque) et le nouveau (sur la porte). La béance entre les deux sera rebouchée par le renfort accueillant les charnières, et par de la tôle neuve.



La coque et la porte reçoivent toutes deux de solides renforts sur lesquels sont fixées les charnières. Les quatre poignées de portes sont supprimées et remplacées par un système d’ouverture de Laguna commandé manuellement par un bouton situé dans le bas de chaque porte avant.

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« RODSLED » (p. 3)

Le pied milieu est supprimé complètement. Il est remplacé par un renfort vertical placé sur la partie avant de la porte arrière, et un système de verrouillage qui s’enclenche dans le toit et le plancher. Pour plus de sécurité, la portière avant vient en recouvrement dans une feuillure extérieure de la portière arrière, sur laquelle elle s’enclenche, empêchant ainsi celle-ci d’offrir une prise au vent et de s’ouvrir. Notez qu’à ce stade, le bas des vitres est encore à sa hauteur d’origine.



Les rails de chassis de la 402 étant très « pincés » vers l’avant, Georges a dû reculer le moteur de 30 cm dans l’habitacle pour éviter d’avoir à les modifier. D’où une grosse modification de la cloison pare-feu. A ce stade, il a également fabriqué un support pour la colonne de direction de Peugeot 306. Un peu plus tard, il confectionnera en tôle un habillage pour cette colonne.



La console est entièrement fabriquée en tôle. Elle camoufle un chauffage de Renault 4L
qui n’a que des qualités (basique, efficace et pas cher), et elle reçoit le shifter
de la boîte auto BMW.





La planche de bord est celle d’origine. Elle reçoit des évents pour pouvoir diriger l’air chaud vers les deux pare-brise, et surtout un entourage à visière qui va permettre d’installer le tableau de bord complet de la BMW donneuse. La moulure centrale va laisser place à l’écran de contrôle des rétroviseurs, qui sert également d’écran au lecteur de DVD installé aux places arrières.



Pour ne pas top-chopper la voiture dont les lignes sont parfaitement équilibrées, Georges Herry a simplement (si l’on peut dire…) remonté de 4 cm le bas des fenêtres, l’alignant sur le bas du pare-brise. On voit clairement ici l’opération déjà réalisée sur la porte arrière et la vitre de custode. Au final, l’effet est saisissant. Toute la vitrerie de la voiture est neuve : les pare-brise sont en feuilleté, les autres vitres en verre trempé.



Autre gros chantier sur cette auto, la réalisation du toit ouvrant amovible. Sur la plupart des voitures des années 30, les emboutis de toit laissent une béance qui est fermée soit par une pièce de tôle rapportée, soit par du grillage à poules recouvert de simili, soit par un toit ouvrant en toile. Pour sa 402, Georges a choisi la solution du toit ouvrant en tôle ! Ce toit est formé de quatre panneaux entièrement façonnés à la main, facilement démontables.



Les quatre panneaux du toit sont à la fois ajustés dans la gouttière d’origine modifiée, et clipsés les uns par rapport aux autres pour un maintien et une étanchéité parfaits. Un travail de titan.



Le toit se démonte à la main en trois minutes en commençant par le panneau arrière,
et les quatre panneaux se rangent dans une cassette à compartiments superposés installée dans le coffre. Il reste un peu de place pour des bagages et une trousse à outils sur les côtés de la cassette.

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« RODSLED » (p. 4)





La 402 possédant à l’origine des voies plus étroites que les BMW et Jaguar choisies comme donneuses par Georges, il faut élargir les quatre ailes de 9 cm, ce qui est fait en tôle neuve. Voici le travail sur les ailes arrières



Et sur les ailes avants.



La jupe avant, quant à elle, est raccourcie de 8 cm, pour ne pas frotter par terre. Les ailes avant sont soudées aux flancs de capot et réunies de façon à former un masque démontable d’une seule pièce. Les deux parties supérieures du capot d’origine à ouverture « papillon » forment désormais un seul et unique capot articulé « normalement » sur des compas de Renault Laguna, qui lui permettent de se soulever en avançant légèrement vers l’avant avant de se lever. La calandre de la voiture finie a l’air d’être celle d’origine, mais c’est une calandre neuve entièrement réalisée par Georges sur le modèle de l’ancienne, barrette par barrette. Comme sur la 402 d’origine, la calandre se dépose en tournant le lion mascotte pour laisser accès à la batterie et aux phares de Ford 32 de repro.



La voiture dans les dernières phases des modifications de carrosserie. Elle possède ses flasques de roue arrière neufs mais pas encore ses marchepieds faits sur mesure (d’origine, elle n’en a pas, mais avec les ailes élargies, il en fallait). La cavité de la plaque d’immatriculation rétro-éclairée d’origine va bientôt être modifiée, les feux arrière installés



Le chassis fini et peint, posé sur ses roues Colorado Custom. Le radiateur de Daewoo a été choisi chez un marchand de radiateurs en fonction de ses dimensions, puis ses entrée et sortie d’eau ont été modifiées. Chance : Georges a pu poser l’arrière de la boîte BMW sur la traverse de boîte d’origine. On remarque sur cette photo que les rails de chassis sont formés d’U en tôle pliée recouverte d’une feuille de tôle plate, contrairement aux rails « early Ford » qui sont un simple U en tôle très costaud posé sur chant.



La voiture peinte, en cours de remontage. Le gris est un mélange fait spécialement, le magenta est une teinte Kia. On voit nettement que le 6 cylindres BMW rentre dans la cloison pare-feu, et que le masque avant est en une seule pièce (plus le capot ici en place).





Quel que soit l’angle sous lequel on la regarde, la 402 de Georges Herry possède des proportions et une finition à couper le souffle. Le pinstriping a été réalisé lors du Rod Nats 2006 par Jean-Do, du Creusot.
(Photos Claude Lefebve)